L’œuvre, ou plutôt l’action, de Charles Eugène Bedaux (1886-1944) se situe dans la tradition du « scientific management » de Taylor (1856-1915). La méthode Bedaux, qui fut la technique de gestion scientifique la plus populaire de l’entre-deux-guerres, est considérée comme un hybride des pratiques tayloriennes et des idées de Harrington Emerson (Kreis, 1992). Parmi les successeurs de Taylor (F. Gilbreth, H. Emerson, R. Feiss...), Charles Bedaux fut, sans conteste, celui qui eut le plus de succès. Il reste néanmoins un marginal parmi les tayloriens. Charles Bedaux n’est pas un théoricien. Il publia un manuel de mise en œuvre de sa méthode The Bedaux Efficiency Course for Industrial Application (Bedaux, 1917) qui fit l’objet de mises à jour. Il voulait garder le secret de ses recherches. Il ne participa qu’à peu de congrès et n’appartint à aucune société professionnelle. En fait, il se comporta, dès la création de la première firme Bedaux aux USA en 1916, comme un véritable chef d’entreprise, essaimant des bureaux et des ingénieurs-consultants à travers le monde. Il était plus intéressé à faire fortune qu’à promouvoir le « scientific management ». Il constitua ainsi une véritable multinationale du « scientific management » qu’il animait de loin, se consacrant plus à la conquête de nouveaux marchés et à des projets sportifs et mondains, qu’à la recherche de l’amélioration de sa découverte. Il marqua autant son époque par sa méthode qui fut aussi bien louée que critiquée, surtout par les organisations ouvrières, que par sa vie sulfureuse qui se termina dans des conditions non encore élucidées. Après avoir présenté la vie et l’œuvre de Charles Bedaux, les auteurs étudient quelles ont été les réactions ouvrières, les critiques sociales mais aussi l’intérêt pour les entreprises et les raisons de son succès.